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Cluzel : « J’ai passé cinq ans à souffrir »

Tuesday, 7 July 2020 09:30 GMT

Le Français s’est confié à worldsbk.com sur de nombreux sujets sur piste comme en dehors, en amont de la reprise du Championnat FIM World Superport à Jerez.

Jules Cluzel (GMT94 Yamaha) est l’un des prétendants à la couronne en WorldSSP. Si le titre lui a très souvent tendu les bras, le Montluçonnais ne les a jamais baissés, et encore moins cette année.

À l’occasion d’un test de trois jours au circuit Carole durant lequel il a battu le record du tour, Cluzel est revenu sur son entraînement durant le confinement, ses objectifs pour la saison ainsi que sur ses blessures.

Pendant le confinement, tu as confié t’être beaucoup entraîné, plus qu’avant. Est-ce que remonter sur la moto sollicite des muscles différents ?

« Honnêtement, en trois mois et demi, j’ai fait beaucoup de vélo, de renforcement musculaire, beaucoup de gainage, des choses importantes pour notre sport. J’ai l’expérience pour savoir sur quoi il faut que je travaille ou non. Et ça n’a rien à voir ! Tu peux travailler ce que tu veux, le mental et l’exigence physique ne sont pas les mêmes que tu montes sur une moto, sur un vélo ou que tu fasses du renforcement. Maintenant, entre le premier jour à Carole et le deuxième jour, j’ai eu peu de courbatures, ce qui m’était déjà arrivé par le passé après une période de pause, pas si longue non plus, mais là je me sens plutôt bien. Donc c’est positif. J’ai bouclé beaucoup de tours entre le premier et le deuxième jour, et c’est surtout bien de faire des tours aussi vite. Pour moi, c’est une bonne remise en jambes. »

Tu as battu le record du circuit. Est-ce que c’était un objectif en soi ?

« Personnellement, non. J’étais content de relever ce challenge par rapport à un objectif de travail, de remise en route. C’était parfait pour ça. L’année dernière, j’ai déjà eu la proposition de Christophe, mais ce n’était pas spécialement le moment parce que les courses s’enchaînaient. Pour rouler comme ça, il faut quand même prendre des risques. Aujourd’hui, c’était le bon moment. On a encore un mois de pause. On peut y aller le corps et l’esprit libres. »

Le calendrier est condensé. Comment est-ce que tu abordes ça en tant que pilote qui se bat pour le titre ?

« On suit cela de près. J’essaie de ne pas tomber dans le piège de rester concentré là-dessus. Quand il y a eu les annulations, le confinement, je me suis dit que j’étais en train de rentrer dans un état d’esprit qui n’était plus celui d’un pilote. Mais je savais que j’avais le temps de m’en remettre. Et ce genre d’exercice qu’on a fait à Carole est parfait pour se remettre dans la peau d’un pilote. Sur le fait qu’il y ait plus de courses, ça vient tout juste de sortir. Là, on est sur une année particulière et c’est déjà cool que l’on puisse rouler. C’est important que l’on coure. Pour moi, ça peut me profiter comme ça peut me défavoriser et personnellement j’aurais préféré que l’on reste sur le schéma classique. »

Quand tu vois d’autres pilotes s’entraîner qui ont peut-être même roulé avant toi, que ressens-tu ?

« Je sais qu’il y a beaucoup de pilotes qui ont déjà roulé depuis un mois. Mais ça, ça a toujours été. Moi, je suis un pilote qui ne roule pas beaucoup. Mes seuls tests sont ceux avec l’équipe. Avec le GMT, j’ai de la chance, car j’en ai plus que ce que j’avais par le passé. Mais ça m’est arrivé par le passé de ne jamais rouler avant le début d’une saison. Je suis même parfois arrivé à la première course sans avoir roulé une seule fois et découvrir la moto une fois sur le circuit. Ça a été le cas en 2018 et j’aurais pu être titré. Ce n’est pas l’essentiel, mais je suis comme ça, je m’y suis habitué et j’ai développé certaines qualités par rapport à ça. Donc ça ne me dérange pas. Si on roulait beaucoup peut-être que l’on perdrait l’envie de rouler. Tu perds une certaine envie dont tu as besoin quand tu roules “trop”. Faire des ronds pour faire des ronds, pour moi ça ne me sert à rien. Aujourd’hui, quand je roule sur une moto, c’est pour me donner à 100%. Il me faut des mécaniciens, les bons pneus et tout ce qu’il faut pour la performance et la sécurité. Si tu n’as pas ces éléments-là, ce n’est pas essentiel. Je pense que beaucoup d’amateurs ne sont pas au courant, mais ils roulent plus que nous. Certes, c’est notre métier, on a toute une équipe qui vient avec le matériel, et ce n’est pas notre moto personnelle. Il y a donc moins d’enjeux et de coûts, mais ils roulent quand même plus que nous. »

Christophe Guyot a récemment évoqué la manière dont cela allait se passer maintenant dans le paddock. Pour toi, en tant que pilote, est-ce que ça peut être un frein de parler avec un masque ou d’avoir une barrière dans le box ?

« Ce fut un bon exercice à Carole. Ça fait du bien de sortir de tout ça, je n’ai vu que ma chérie et ma fille pendant 3 mois et demi et tu as tendance à rentrer dans une certaine paranoïa. Ça fait du bien de voir du monde et donc pour moi, ce n’est pas un problème. »

Quel est le programme d’ici la reprise à Jerez ?

« Au niveau physique, tu sais avec ce qui m’est arrivé dans le passé, mes blessures et tout ça, j’ai fait un gros pas en avant pendant le confinement. Je n’avais pas de problèmes, mais de se sentir fort est un avantage. Et dernièrement, j’avais peut-être besoin de ce genre de chose. J’ai travaillé à bloc tous les jours et je me sens très bien. Je n’ai pas de coach, c’est que de l’expérience. Ensuite, j’ai fait l’acquisition du dernier home-trainer connecté disponible en Andorre avant le confinement et j’ai découvert quelque chose qui m’a vraiment aidé. J’avais besoin de prendre de la force et dans les montagnes tu perds souvent du muscle et tu travailles plutôt le cardio. Mais là, j’ai fait énormément de kilomètres sur des profils différents, j’ai fait aussi du travail avec des outils qui m’aident à te développer physiquement. C’était une première étape. Ensuite, j’ai pu m’entraîner dehors et continuer. Ensuite, je me suis concentré sur le renforcement musculaire. Et tout ça m’a apporté beaucoup. Je suis remonté à bloc.

Depuis peu, je vois également un nutritionniste pour essayer de gagner encore en muscle. Je n’ai pas de matière grasse, je fais 58kg. Mon objectif serait de prendre encore deux à trois kilos pour avoir un peu plus de force et je pense que d’avoir moins de poids devient un désavantage aussi. Particulièrement depuis qu’on n’a plus de traction control, il me manque toujours un peu de grip à l’accélération et là je suis en train de travailler dessus pour pouvoir reprendre un tout petit peu. J’optimise tout. »

Le sélecteur de vitesses à droite semble avoir posé des problèmes sur certains circuits selon Christophe Guyot. De l’histoire ancienne désormais ?

« Je pense que c’est quand le team se posait des questions pour le futur. Je le savais et c’est pour tout le monde pareil. Quand il y a une petite blessure, une naissance, ou un changement dans la vie, ça peut amener à s’interroger. Comme pour beaucoup d’autres, si mes performances n’avaient pas été spécialement bonnes, ça aurait été la première chose à laquelle on aurait touché. Cela aurait été une erreur parce que ce n’est pas vrai. J’ai passé cinq ans à souffrir le martyre, à pleurer après les séances parce que j’avais mal. Personne ne l’a vu sur la piste, mais j’en ai vraiment souffert. Ça a été une période compliquée. J’évitais tous les déplacements… ça a été très long et très dur. Franchement, je n’ai pas apprécié cette période-là parce que j’avais trop mal. Les gens ne l’ont pas su, car ça a été ma volonté. J’ai protégé mon travail, mais aujourd’hui, d’avoir le sélecteur à droite et de ne plus avoir mal me permet de travailler encore mieux qu’avant. À Carole, il n’y a que des virages à droite et le sélecteur à droite ne me gêne pas du tout… »

Avez-vous commencé à parler de la saison prochaine ?

« Oui, Éric Mahé, mon manager, en parle avec Christophe. Je sais que c’est une période compliquée pour tout le monde. Moi, sportivement, je ne lâcherai rien, que ce soit cette année ou les suivantes. »